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Sophie Gesmier, spécialiste de l’accompagnement professionnel à Fougères (Ille-et-Vilaine), ne cache ni sa colère ni son inquiétude. La fondatrice du cabinet So Conseil, qui accompagne depuis plusieurs années des particuliers dans leur réflexion professionnelle, redoute les conséquences du projet de loi de finances 2026. Ce texte, présenté en Conseil des ministres le 14 octobre, prévoit en effet, à son article 81, de restreindre l’éligibilité du bilan de compétences au Compte personnel de formation (CPF). Autrement dit, si cette mesure est adoptée, il ne sera plus possible de financer un bilan de compétences via le CPF.
Pour Sophie Gesmier, cette décision représenterait un véritable coup d’arrêt pour un secteur déjà fragilisé. « Si ce texte est voté, un bilan de compétences deviendra un luxe réservé à quelques-uns. Et c’est tout un pan de l’économie locale qu’on condamne », alerte-t-elle.
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Une vocation née d’un parcours personnel
Originaire de Fougères, Sophie Gesmier revendique son attachement profond à sa région. « J’ai essayé de partir, mais je suis vite revenue. Ici, il y a une âme, une humanité, une vraie proximité », confie-t-elle. Après plus de vingt ans d’expérience dans le commerce, le marketing et l’accompagnement, elle connaît elle-même un tournant décisif grâce à un bilan de compétences réalisé il y a cinq ans.
« Ce bilan a changé ma vie. Je ne me suis pas simplement reconvertie : je me suis alignée. Alignée avec mes valeurs, mon sens et ma personnalité. » De cette expérience personnelle est né So Conseil, un cabinet d’accompagnement fondé en 2020, avec pour mission d’aider les individus à retrouver équilibre, sens et épanouissement professionnel.
De la sous-traitance à l’indépendance
Les débuts ne sont pas simples. D’abord prestataire en sous-traitance, Sophie Gesmier décide de voler de ses propres ailes. Après un long processus de structuration et de certification qualité Qualiopi – indispensable pour exercer ce métier dans un cadre rigoureux et reconnu – elle propose ses accompagnements sur la plateforme officielle du CPF (EDOF). Ce référencement lui permet de devenir totalement indépendante et d’offrir ses services à un public plus large.
Depuis, plus de 250 personnes ont bénéficié de ses accompagnements : des femmes et des hommes, salariés, demandeurs d’emploi, cadres, soignants ou artisans. Tous ont cherché, à travers le bilan de compétences, à retrouver du sens, de la clarté et un nouvel élan dans leur vie professionnelle.
Certaines ont changé de voie, d’autres ont simplement retrouvé un équilibre et une meilleure organisation au travail. Pour Sophie Gesmier, les effets positifs de ce processus dépassent largement la sphère professionnelle : « Ce souffle de renouveau, il ne s’arrête pas à la porte du bureau. Il rejaillit sur la vie personnelle, les relations familiales, la motivation des équipes. C’est du mieux-être qui circule, partout. »
Un impact humain et économique réel
Au-delà de l’épanouissement individuel, Sophie Gesmier insiste sur les bénéfices économiques d’un salarié épanoui. « Une personne qui retrouve du sens dans son travail devient plus motivée, plus productive, et souvent mieux rémunérée. Ce gain de confiance et de stabilité, c’est aussi du pouvoir d’achat supplémentaire. Et quand les gens vont mieux, c’est tout le territoire qui rayonne. »
Pour elle, le bilan de compétences est donc bien plus qu’un outil de reconversion : c’est un levier de dynamisme local et de cohésion sociale. En aidant les individus à mieux se connaître et à trouver leur juste place dans le monde du travail, il contribue à renforcer le tissu économique et humain d’un territoire.
Des conséquences redoutées pour les acteurs locaux
Mais cette dynamique est aujourd’hui menacée. Si le financement CPF disparaît, la majorité des salariés et demandeurs d’emploi n’auront plus accès à ce type d’accompagnement. « Soyons honnêtes : très peu de personnes peuvent investir 1 900 € de leur poche pour un bilan de compétences », souligne Sophie Gesmier.
Or, les alternatives de financement sont quasi inexistantes. Les entreprises, déjà confrontées à d’autres priorités budgétaires, se montrent rarement disposées à financer un tel dispositif. « En cinq ans, seules trois entreprises ont accepté de financer un bilan de compétences à leurs salariés, alors que la demande est bien réelle », déplore-t-elle.
Les conséquences risquent donc d’être lourdes : « Si cette mesure passe, des centaines de cabinets indépendants devront fermer. Ce sont des structures de proximité, souvent portées par des femmes, qui disparaîtront. Et avec elles, c’est tout un réseau de soutien humain et local qui s’éteindra. »
Un cri du cœur pour préserver le sens du travail
Pour Sophie Gesmier, le bilan de compétences n’est pas un simple outil administratif, mais un espace de réflexion, d’écoute et de transformation. Il permet à chacun de faire le point sur son parcours, de clarifier ses aspirations, et de se réorienter sans culpabilité ni pression.
Elle insiste aussi sur la neutralité et la confidentialité de ces accompagnements : « Dans beaucoup d’entreprises, les salariés n’ont pas d’espace d’écoute neutre. Chez un professionnel indépendant, ils trouvent une oreille bienveillante, sans jugement, et un accompagnement ancré dans le réel. »

C’est cette dimension profondément humaine que Sophie Gesmier redoute de voir disparaître avec la réforme. « Ce projet de loi touche à bien plus qu’un dispositif de financement. Il menace une pratique qui aide les gens à se reconstruire, à se réaligner, à retrouver confiance. C’est un coup porté au cœur de l’humain. »
Un appel à la mobilisation
À travers sa tribune, la consultante espère alerter les pouvoirs publics et mobiliser l’opinion. Elle invite les citoyens, les élus locaux et les professionnels de l’accompagnement à se faire entendre pour préserver l’accès universel au bilan de compétences.
« Derrière chaque bilan, il y a une histoire, une personne qui retrouve sa voie, un emploi redynamisé, une entreprise plus stable. Supprimer ce financement, c’est refuser à des milliers de personnes la possibilité de se relever. Et c’est aussi fragiliser nos territoires. »
En conclusion
Sophie Gesmier reste convaincue que le bien-être au travail ne peut être un privilège réservé à une minorité. Le bilan de compétences est, selon elle, un outil essentiel pour bâtir des carrières alignées, durables et humaines. Mais pour cela, il doit rester accessible à tous.
« On ne mesure pas à quel point ce dispositif change des vies. Si on le supprime du CPF, on ne fera pas qu’économiser des crédits publics : on brisera des parcours, des vocations et des espoirs. Et on tuera, à petit feu, un pan entier de notre tissu économique local. »