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Développement des compétences chez Orange en 2024 : Des salariés formés, mais pour quoi faire ?

La direction d’Orange France siège annonce fièrement que 100 % des salariés ont été formés en 2024. À première vue, ce chiffre impressionne. Il évoque un engagement fort de l’entreprise en faveur de la formation continue. Mais à y regarder de plus près, une autre réalité émerge : derrière cette apparente réussite, les chiffres révèlent des tendances préoccupantes, voire des dérives, sur le fond réel des actions de formation menées.
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Des chiffres en baisse malgré des effectifs en hausse
En 2024, le nombre moyen d’heures de formation par salarié est tombé à 13,4 heures, contre 14,8 heures en 2023. Un recul significatif qui contraste avec l’augmentation des effectifs. En volume total, les heures de formation passent de 46 820 heures en 2023 à 44 430 heures en 2024, soit une baisse de 5 %. Autrement dit, l’effort de formation global diminue alors même que l’entreprise s’agrandit. Une tendance qui interroge sur les priorités réelles en matière de développement des compétences.
Certes, 3 497 salariés ont été formés. Un chiffre en soi respectable, mais qui mérite une analyse qualitative. En effet, qu’entend-on exactement par « être formé » ? S’agit-il d’une véritable montée en compétences ou simplement d’avoir suivi un module en ligne obligatoire, souvent destiné à valider la Part Variable Managériale (PVM) ? Autrement dit : forme-t-on pour apprendre, ou pour cocher une case administrative ?
Des thématiques de formation déséquilibrées
La répartition des formations laisse apparaître une autre problématique. En 2024 :
- 49 % des formations ont porté sur des compétences métier (contre 50 % en 2023),
- 35 % sur les compétences transverses et humaines, incluant les formations en Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE), contre 40 % en 2023,
- 16 % sur les compétences managériales (en hausse par rapport aux 10 % de 2023).
Si la part des formations managériales progresse, elle reste relativement faible. Plus inquiétant encore : les compétences liées à la relation client enregistrent une chute de 64 %, et les compétences managériales globales sont en baisse de 24 %. Ces reculs posent de vraies questions sur la stratégie d’accompagnement humain et relationnel, dans un contexte où l’excellence client est pourtant censée être un pilier de l’activité.
En parallèle, l’entreprise affiche un virage technologique assumé, avec des formations orientées vers des thématiques comme la cybersécurité (3 203 salariés formés), la data, l’IA générative ou encore la softwarisation. Si cette orientation semble cohérente avec les défis de demain, le manque d’accompagnement vers de nouvelles fonctions ou métiers soulève un paradoxe : à quoi sert-il de former à des technologies d’avenir si les trajectoires professionnelles des salariés ne sont pas prises en compte ni accompagnées ?

Le CPF, une fausse bonne solution ?
Face à l’insuffisance des dispositifs internes, de plus en plus de salariés se tournent vers leur Compte Personnel de Formation (CPF). Et ce, parfois même dans le cadre de projets coconstruits avec l’entreprise. Une situation qui choque : le salarié propose la formation, l’entreprise valide… mais c’est le salarié qui paye. Ce transfert de responsabilité, du collectif vers l’individuel, remet en cause le principe même de l’engagement de l’employeur dans le développement professionnel de ses collaborateurs.
Les élus de la CFE-CGC tirent la sonnette d’alarme : la formation ne peut pas devenir un simple dispositif à la carte, financé par les salariés eux-mêmes, sous couvert d’initiatives personnelles. Elle doit au contraire s’inscrire dans une politique globale, cohérente et financée, alignée avec les besoins réels des métiers et les évolutions organisationnelles.
Quelle stratégie pour l’avenir ?
Ce que défendent les élus CFE-CGC est clair et structuré autour de trois axes :
- Une formation utile et stratégique, qui dépasse la logique du “minimum syndical” pour devenir un véritable levier de transformation individuelle et collective.
- Des parcours différenciés et adaptés aux réalités de chaque métier au sein du périmètre OFS. La formation doit répondre aux spécificités de chaque fonction, et non se limiter à des modules génériques, déconnectés des enjeux terrain.
- Un volume de formation suffisant, permettant une montée en compétences réelle. Trois ou quatre heures passées sur une plateforme e-learning ne sauraient remplacer une véritable immersion pédagogique.
Conclusion : de la formation à la transformation, il y a un pas à franchir
Le tableau dressé par les chiffres de la formation 2024 chez Orange montre une organisation qui, malgré ses discours, semble peiner à faire de la formation un levier stratégique. Si les objectifs quantitatifs sont atteints, le fond, lui, reste largement discutable. Former tout le monde, oui — mais former à quoi, pour quoi, et dans quel but ?
Les attentes des salariés ne sont pas uniquement d’avoir un badge de validation ou de suivre une obligation réglementaire. Ils souhaitent se projeter, évoluer, acquérir des compétences concrètes, utiles dans un contexte professionnel en mutation constante.
L’enjeu n’est donc pas de maintenir un taux de formation élevé sur le papier, mais bien de repenser en profondeur la politique de développement des compétences, en la rendant plus cohérente, ambitieuse et respectueuse des aspirations des collaborateurs.