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Le CPF en quête de second souffle : la dotation volontaire, un levier stratégique sous-exploité

Instituée en 2020, la dotation volontaire au Compte Personnel de Formation (CPF) devait incarner un pilier de la co-construction des parcours professionnels. Conçue comme un outil stratégique au service de la gestion prévisionnelle des compétences, elle permet aux employeurs d’abonder financièrement le CPF de leurs salariés, au-delà des obligations légales. Pourtant, cinq ans après son lancement, le constat dressé par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) est sans appel : son recours demeure anecdotique. Avec seulement 2,3% des entreprises de plus de 10 salariés ayant utilisé ce dispositif entre 2020 et 2023, et une statistique encore plus ténue de une entreprise sur 1 000 selon la Caisse des Dépôts, la dotation volontaire peine à trouver son public. Cette sous-utilisation masque pourtant un potentiel significatif, que le Céreq s’est attaché à décrypter en identifiant les freins existants et en proposant des pistes pour un nouvel élan.

Un paysage d’utilisation contrasté : qui sont les entreprises “dotatrices” ?

L’étude du Céreq révèle que l’adoption de la dotation volontaire n’est pas uniforme et obéit à plusieurs logiques structurelles et culturelles.

La taille et le secteur comme facteurs déterminants


Une corrélation nette se dessine entre la taille de l’entreprise et sa propension à recourir à l’abondement. Les grandes entreprises sont surreprésentées parmi les “dotatrices”. Cette tendance s’explique par une structuration plus avancée de leur fonction ressources humaines, une meilleure connaissance des dispositifs complexes et une capacité budgétaire à investir dans des outils complémentaires de GPEC.

Le secteur d’activité constitue un autre discriminant majeur. Les terrains les plus fertiles sont ceux où la culture de la formation continue est historiquement ancrée. Ainsi, les secteurs de la banque-assurance, de l’industrie manufacturière ou de la production d’énergie figurent en tête. Dans ces environnements, la formation est perçue comme un investissement stratégique plutôt que comme une simple contrainte légale. Le Céreq note ainsi que la part des entreprises utilisatrices s’élève à 7% lorsque leur taux d’accompagnement en formation est supérieur à 63%, contre 2,3% en moyenne.

Une culture d’entreprise tournée vers la formalisation


Au-delà des chiffres, les entreprises adeptes des dotations volontaires partagent des caractéristiques organisationnelles. Elles disposent le plus souvent de programmes de formation formalisés par écrit, et certaines vont même jusqu’à internaliser la formation en possédant leurs propres centres. Cette formalisation témoigne d’une vision stratégique et planifiée de la montée en compétences.

Un autre enseignement notable est que ces entreprises affichent généralement “une répartition plus équitable de la formation entre les différentes catégories socioprofessionnelles”. Ceci étant, l’étude tempère ce constat en rappelant que, malgré tout, les cadres restent les premiers bénéficiaires de ces abondements, perpétuant ainsi en partie les inégalités d’accès à la formation.

Les visages multiples de la dotation volontaire : une typologie des usages

Le Céreq a distingué quatre profils types d’utilisation de la dotation volontaire, reflétant la diversité des motivations et des contextes.

  1. Le levier complémentaire pour les PME stratégiques (21%) : Principalement présentes dans le médicosocial ou l’éducatif, ces PME utilisent le dispositif dans le cadre d’une réelle démarche de gestion des compétences, alignée sur leur activité cœur de métier. La dotation volontaire leur sert à financer des formations perçues comme trop longues ou trop coûteuses pour être intégralement supportées par le plan de développement des compétences. Il s’agit ici d’un outil de flexibilité financière au service d’un projet d’entreprise.
  2. La réponse aux demandes individuelles (25%) : Dans ce cas de figure, l’initiative revient au salarié. L’employeur, souvent un établissement de taille modeste, utilise la dotation pour répondre à une sollicitation ponctuelle, dans une logique de fidélisation ou de motivation. L’approche est moins stratégique et plus réactive, centrée sur la satisfaction de besoins individuels exprimés.
  3. L’outil intégré des grands groupes (30%) : Il s’agit des grandes entreprises des secteurs de l’industrie ou de la banque-assurance, où existe un “environnement favorable à la formation continue”. Pour elles, la dotation volontaire s’insère naturellement dans une palette d’outils RH déjà riche. Elle est utilisée de manière structurée, souvent dans le cadre de parcours de mobilité ou de montée en compétences planifiés.
  4. Le recours limité et peu ciblé (25%) : Ce dernier profil regroupe des entreprises qui expérimentent le dispositif sans réelle stratégie sous-jacente. L’usage est sporadique, peu ciblé en termes de métiers ou de compétences visées, et relève souvent d’un effet d’annonce ou d’une première exploration sans lendemain.

Les freins au développement : un manque criant d’information en tête

Face à ce tableau en demi-teinte, le Céreq a identifié les principaux obstacles qui entravent la diffusion massive du dispositif.

Le frein majeur, invoqué par 71% des entreprises, est le manque d’information. La dotation volontaire souffre d’un déficit notoire de notoriété et de lisibilité. Les modalités pratiques, les avantages, le cadre juridique et les retours sur investissement restent flous pour une grande majorité de décideurs, en particulier dans les TPE/PME où les services RH sont réduits ou externalisés.

Vient ensuite le manque d’initiative des salariés. Si les employeurs regrettent cette passivité, elle est souvent le reflet d’une méconnaissance partagée. Les salariés ignorent pour beaucoup qu’ils peuvent solliciter un abondement, et ne savent pas comment formuler une demande crédible en lien avec les besoins de l’entreprise.

Les contraintes budgétaires représentent un troisième obstacle de poids. Dans un contexte économique souvent tendu, la dotation volontaire est perçue comme une dépense facultative, facilement reportable. Sans démonstration claire de son retour sur investissement, elle peine à entrer dans les priorités financières.

Enfin, certaines entreprises invoquent l’absence de besoins en formation immédiats. Ce constat interroge souvent une vision à court terme de la gestion des compétences, où la formation est déclenchée par un besoin opérationnel pressant plutôt que par une anticipation des évolutions métiers.

Quelles pistes pour un essor futur ? Les leviers proposés par le Céreq

Pour transformer cet essai et faire de la dotation volontaire un véritable outil de partenariat social autour des compétences, le Céreq esquisse plusieurs axes de progrès.

  1. Renforcer l’accompagnement et fluidifier l’information : Il est impératif de mener une campagne d’information ciblée et pédagogique à destination des employeurs et des salariés. Les Opérateurs de Compétences (Opco) ont un rôle clé à jouer pour promouvoir le dispositif auprès de leurs adhérents, en le présentant non comme une charge administrative supplémentaire, mais comme un levier de performance. Parallèlement, l’étude salue le rôle des réseaux d’entreprises (clubs, associations) qui, par le partage d’expériences et de bonnes pratiques, constituent des relais de diffusion extrêmement efficaces.
  2. Clarifier le champ des formations éligibles : Le flou qui entoure les formations pouvant être financées par ce biais est un frein à la décision. Une clarification des critères d’éligibilité, en lien avec les certifications reconnues et les besoins en compétences des filières, permettrait aux entreprises de mieux projeter son utilisation.
  3. Développer les espaces de co-construction : Le dispositif ne peut prendre son plein sens que s’il s’inscrit dans un dialogue renforcé entre l’employeur et le salarié. La généralisation et la qualité des entretiens professionnels sont ici déterminantes. Ces temps d’échange doivent être l’occasion d’évoquer les aspirations du salarié, les besoins stratégiques de l’entreprise, et la manière dont la dotation volontaire peut servir de pont entre les deux. Il s’agit de passer d’une logique de demande individuelle à une logique de projet partagé.
  4. Valoriser les retours sur investissement : Produire et diffuser des études de cas et des témoignages d’entreprises ayant tiré un bénéfice tangible (meilleure rétention des talents, augmentation de la productivité, réussite d’un projet de transformation) de l’utilisation des dotations volontaires serait un argument puissant pour convaincre les plus réticents.

Conclusion : De la confidentialité à l’opportunité stratégique

La dotation volontaire au CPF se trouve à la croisée des chemins. Si son usage reste ponctuel, l’analyse du Céreq démontre qu’elle n’est pas un outil voué à l’échec, mais un levier en attente d’être approprié. Son avenir ne dépendra pas seulement d’un effort de communication, mais d’un changement de perspective plus profond. Elle doit être envisagée comme un instrument de dialogue social et de co-investissement dans le capital humain, permettant d’articuler les ambitions individuelles avec les défis collectifs des organisations. En activant les leviers de l’information, de l’accompagnement et de la co-construction, les partenaires sociaux, les pouvoirs publics et les entreprises elles-mêmes peuvent transformer ce dispositif méconnu en un pilier robuste de la formation professionnelle tout au long de la vie. Le potentiel de progrès, comme le souligne le Céreq, est considérable pour les années à venir.

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