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Maîtrise de la réglementation des licences IV : un levier stratégique pour la revitalisation des zones rurales

Les zones rurales françaises sont confrontées à des défis croissants : isolement géographique, désertification commerciale, vieillissement démographique, précarité énergétique ou encore raréfaction des services publics. Face à ces fractures territoriales, la préservation du tissu commercial local devient un enjeu majeur. Dans ce contexte, la réglementation des licences IV, indispensables pour exploiter des débits de boissons, s’impose comme un levier stratégique de développement économique et social.
Au-delà de son cadre administratif, la licence IV revêt une dimension politique, économique et culturelle forte, car elle conditionne l’ouverture de lieux structurants dans les villages : cafés, restaurants, bistrots. Ces établissements sont bien plus que des points de vente d’alcool ; ils sont souvent le dernier lien social et intergénérationnel dans des territoires fragilisés.
Contents
- 1 Des territoires ruraux en difficulté : un besoin urgent de solutions adaptées
- 2 La licence IV : un cadre réglementaire strict, parfois inadapté aux réalités rurales
- 3 Une proposition de loi pour assouplir le cadre dans les communes rurales
- 4 Un impératif pour les porteurs de projets : maîtriser les règles juridiques
- 5 Conclusion
Des territoires ruraux en difficulté : un besoin urgent de solutions adaptées
Les territoires ruraux souffrent d’un cumul de difficultés structurelles : enclavement, appauvrissement de la population, transition écologique mal maîtrisée, mobilité limitée, et surtout, une raréfaction inquiétante des commerces de proximité. Les habitants sont souvent contraints de parcourir plusieurs kilomètres pour accéder à des services de base, accentuant leur isolement et réduisant leur qualité de vie.
Les politiques publiques récentes ont bien identifié ces problématiques. De nombreux dispositifs étatiques, européens ou régionaux ont été mis en place pour soutenir l’artisanat rural, redynamiser les centres-bourgs, et encourager la réinstallation de commerces de proximité. Ces mesures visent notamment à maintenir l’attractivité des communes rurales, en facilitant l’installation d’activités économiques locales, en limitant les déplacements coûteux et en reconstituant un tissu social vivant.
Dans cette optique, les débits de boissons — qu’ils soient cafés, bars ou restaurants — jouent un rôle essentiel. Ils constituent souvent le dernier lieu de vie sociale du village, un espace de convivialité, de rencontre et d’animation. Or, la situation est critique : en 1960, la France comptait environ 200 000 cafés ; en 2023, il n’en restait que 38 800 (données issues d’un rapport sénatorial).
La licence IV : un cadre réglementaire strict, parfois inadapté aux réalités rurales
La licence IV — dite « de plein exercice » — permet la vente de toutes les boissons alcoolisées, sans restriction de degré. Elle est indispensable pour exploiter un établissement de type bar ou restaurant servant des alcools forts. Toutefois, l’accès à cette licence est régi par une réglementation complexe et rigide :
- Elle ne peut être créée que par transfert ou mutation depuis une autre commune.
- Elle est soumise à un quota de population (1 débit pour 450 habitants).
- Elle doit respecter une distance minimale vis-à-vis des écoles, hôpitaux ou lieux de culte.
- Elle nécessite l’obtention préalable d’un permis d’exploitation, formation obligatoire de 20 heures valable 10 ans.
À cela s’ajoute le risque de péremption : si une licence n’est pas exploitée pendant plus de cinq ans, elle est définitivement supprimée. Cette perte est dramatique pour certaines petites communes où la licence IV peut être unique et précieuse. Une telle disparition peut rendre impossible toute réouverture future de bistrot ou de restaurant, contribuant à l’abandon progressif du village.
La réglementation, pensée à l’origine pour lutter contre l’alcoolisme, a donc aujourd’hui des effets pervers : elle freine la revitalisation des territoires ruraux, où le tissu commercial a besoin d’outils souples et adaptés.
Une proposition de loi pour assouplir le cadre dans les communes rurales
Conscient de cette situation, le législateur a engagé une évolution du droit. Une proposition de loi, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en mars 2025, vise à faciliter la création de licences IV dans les communes rurales de moins de 3 500 habitants. Actuellement, deux communes sur trois dans cette tranche de population sont dépourvues de tout commerce.

Le texte introduit plusieurs assouplissements clés :
- Création de licences IV par arrêté municipal dans les communes rurales dépourvues de débit de 4e catégorie.
- Incessibilité de ces licences hors de la commune, afin d’éviter leur revente spéculative en zone urbaine.
- Possibilité d’attribuer une seconde licence IV si la première est peu exploitée ou située en périphérie.
- Droit de veto accordé aux maires sur les transferts de licences au sein de leur commune.
Portée par le député Guillaume Kasbarian, cette initiative entend remettre la licence IV au service du développement local, en levant les freins administratifs qui empêchent de nombreux porteurs de projets de s’installer. Le texte doit encore être examiné par le Sénat, mais il suscite déjà de nombreux espoirs parmi les élus ruraux.
Un impératif pour les porteurs de projets : maîtriser les règles juridiques
L’ouverture ou la reprise d’un débit de boissons nécessite aujourd’hui une parfaite connaissance du cadre juridique. Chaque étape, de l’obtention du permis d’exploitation jusqu’à la déclaration en mairie, comporte des risques : non-respect des distances, mauvaise anticipation des quotas, erreurs de transfert, péremption non anticipée…
Pour les communes et porteurs de projets, cette maîtrise est essentielle pour sécuriser les démarches et éviter les blocages. En zone rurale, où chaque licence peut faire la différence entre un village dynamique et un désert commercial, la prudence est de mise.
S’appuyer sur une expertise juridique spécialisée permet non seulement de sécuriser les projets, mais aussi de transformer la réglementation en opportunité. C’est un atout pour maintenir une vie locale active, favoriser l’emploi et reconstruire un cadre de vie attractif pour les habitants.
Conclusion
La maîtrise de la réglementation des licences IV ne doit plus être perçue comme une contrainte administrative, mais comme un levier stratégique au service des territoires ruraux. Face au déclin des commerces de proximité, l’enjeu est désormais d’assouplir les règles pour redonner aux villages leur capacité d’accueil, leur sociabilité, leur économie. La proposition de loi adoptée en 2025 est une première réponse concrète à cette ambition. Encore faut-il que les collectivités locales s’en saisissent pleinement et que les porteurs de projets soient accompagnés pour en faire un moteur de revitalisation durable.