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Reconversion professionnelle : tensions extrêmes entre syndicats et patronat

La dernière ligne droite s’annonce houleuse. Ce lundi, syndicats et représentants du patronat se retrouvent pour une ultime tentative d’accord sur la simplification des dispositifs de reconversion professionnelle. Une négociation complexe, engagée à la demande du gouvernement, qui espère mettre en œuvre une réforme d’envergure. Mais les profondes divergences entre les deux camps pourraient bien faire échouer une fois encore cette ambition.

Une négociation sous haute tension

Ce 16 juin marque la date butoir fixée pour parvenir à un accord entre partenaires sociaux sur le vaste chantier de la reconversion professionnelle. Depuis la fin mai, les discussions ont repris après l’échec des premières tentatives au printemps 2024. Le gouvernement, inquiet de la complexité du système actuel et de la sous-utilisation de certains dispositifs, a relancé les tractations à travers un courrier signé des ministres Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet.

Objectif affiché : rationaliser et simplifier un système actuellement fragmenté en douze dispositifs différents, comme le Projet de Transition Professionnelle (PTP), le Conseil en Évolution Professionnelle, la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), les contrats de professionnalisation, ou encore le dispositif Transitions collectives (Transco). Le constat gouvernemental est clair : trop d’options, peu de lisibilité, et un taux de recours limité. L’exécutif plaide donc pour une refonte ambitieuse permettant de faciliter les parcours de reconversion pour les actifs.

La proposition du patronat : vers une fusion drastique

C’est dans ce cadre que le Medef a proposé un avant-projet d’accord, rapidement devenu source de crispation. Le texte prévoit de réduire le paysage de la reconversion à seulement deux dispositifs principaux.

Le premier, baptisé toujours Projet de Transition Professionnelle, fusionnerait les mécanismes actuels du PTP, du Fipu (dispositif contre l’usure professionnelle) et du C2P (compte professionnel de prévention). Concrètement, il permettrait à un salarié de s’absenter pour se former à un nouveau métier. L’employeur ne pourrait refuser la demande mais aurait la possibilité de la reporter jusqu’à neuf mois, comme c’est déjà le cas.

Cependant, nouveauté de taille : à l’issue de la formation, deux cas de figure se présenteraient. Si l’entreprise est favorable, le salarié pourrait réintégrer un poste similaire avec une rémunération équivalente. Si ce n’est pas le cas, le contrat serait rompu, et cette rupture serait assimilée à une démission, avec toutes les conséquences que cela suppose.

Le second dispositif, nommé « période de reconversion », serait issu de la fusion entre Transco et Pro-A (formation en alternance pour reconversion ou promotion). Il aurait pour but de maintenir le salarié dans son entreprise ou de lui permettre une mobilité externe. Dans le premier cas, le contrat de travail resterait en vigueur pendant la formation ; dans le second, il serait suspendu. Le salarié serait alors exposé à un risque de chômage s’il ne parvient pas à se faire embaucher ailleurs.

Autre point controversé : le recours systématique au Compte Personnel de Formation (CPF) pour financer ces démarches, même si elles sont initiées par l’employeur.

Les syndicats montent au créneau

Face à ce projet, les syndicats ont rapidement exprimé leur désaccord. FO, CGT, CFDT : tous dénoncent un recul des droits pour les salariés. La possibilité que la rupture de contrat soit considérée comme une démission est particulièrement contestée, car elle fragilise la sécurité de l’emploi.

Pour FO, le texte donne trop de pouvoir à l’employeur et fait peser sur le salarié l’ensemble des risques liés à une reconversion. Si l’entreprise refuse son retour après la formation ou si aucune autre structure ne l’accueille dans le cadre d’une mobilité externe, il pourrait se retrouver sans emploi, ni indemnités.

La CFDT, par la voix de Yvan Ricordeau, déplore un projet flou, qui pourrait servir à des restructurations déguisées, sans plan social ni accompagnement. Il regrette aussi l’opacité du dispositif, notamment concernant le sort des salariés en mobilité externe non reclassés.

La CGT, de son côté, par la voix de sa négociatrice Sandrine Mourey, critique un dispositif imprécis et mal ficelé, qui n’offre pas de garanties suffisantes quant à la qualité des formations, ni sur leur adaptation aux réalités de branche. Elle souligne le manque d’écoute du patronat, qui n’aurait pas pris en compte les remarques formulées lors des précédentes réunions.

Une négociation figée, à l’issue incertaine

Malgré quatre réunions successives (les 21 et 28 mai, les 2 et 12 juin), les avancées restent quasi nulles, selon les syndicats. Le projet patronal aurait à peine évolué entre la réunion du 2 juin et celle du 12. FO parle d’un manque de volonté manifeste du Medef, tandis que la CFDT prévient qu’il faudra un texte profondément remanié pour espérer un compromis.

Un cinquième round est en cours ce lundi, mais peu croient à une issue favorable sans inflexion majeure du patronat. Certains syndicalistes envisagent même la nécessité d’une nouvelle séance de négociation, bien que le calendrier soit serré.

Le gouvernement prêt à trancher

La pression du calendrier est d’autant plus forte que le gouvernement souhaite intégrer un éventuel accord au projet de loi de transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) signés en novembre 2024. Ce texte, déjà adopté par le Sénat le 4 juin, doit encore passer devant l’Assemblée nationale avant la fin de l’année. Le timing est donc crucial pour inscrire la réforme dans le processus législatif.

Mais en cas d’échec, le gouvernement se réserve le droit d’intervenir par ordonnance, en vertu de l’article 38 de la Constitution. Ce recours, bien que légal, est souvent mal vu par les parlementaires. Il risque d’aggraver les tensions politiques à l’approche de l’examen du budget prévu mi-juillet, une échéance décisive pour la stabilité du gouvernement de François Bayrou, dont la position semble fragilisée.

Une réforme nécessaire, mais clivante

L’enjeu dépasse la simple simplification administrative. Derrière cette réforme se joue une vision opposée de la reconversion professionnelle : d’un côté, celle du patronat, axée sur la flexibilité et l’efficience ; de l’autre, celle des syndicats, soucieuse de protéger les salariés et d’assurer des reconversions sécurisées et choisies.

Sans accord, le risque est double : voir perdurer un système inefficace, ou basculer vers un cadre imposé par décret, sans consensus social. Dans les deux cas, les actifs en reconversion pourraient être les grands perdants, faute de dispositifs clairs, sécurisants et équitables.

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