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Dans l’affaire en question, un chef de secteur employé depuis 2013 a été licencié en 2018 pour insuffisance professionnelle. L’employeur justifiait cette rupture par des résultats insuffisants, des erreurs répétées, et des objectifs non atteints.
Cependant, le salarié a contesté cette décision devant le conseil de prud’hommes, en faisant valoir que l’entreprise ne lui avait jamais proposé de formation, ni d’accompagnement, malgré les difficultés signalées. Les prud’hommes lui donnent raison, estimant que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En clair : même si des insuffisances existaient, l’employeur n’a pas respecté son obligation d’adaptation au poste.
Contents
- 1 Une décision d’appel infirmée, mais censurée par la Cour de cassation
- 2 Ce que dit le droit : l’obligation d’adaptation de l’employeur
- 3 Des conséquences concrètes pour les employeurs
- 4 Des enjeux procéduraux à ne pas négliger en appel
- 5 Une décision qui s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle constante
- 6 Conclusion : le devoir d’adaptation avant le droit de sanction
Une décision d’appel infirmée, mais censurée par la Cour de cassation
Mécontente de cette première décision, l’entreprise fait appel. La cour d’appel infirme alors le jugement, considérant que l’insuffisance professionnelle du salarié était avérée, et suffisait à justifier le licenciement.
Mais le salarié ne s’arrête pas là : il saisit la Cour de cassation, en soulignant que la cour d’appel n’a pas répondu aux motifs essentiels qui avaient conduit les premiers juges à annuler son licenciement – motifs qu’il avait expressément repris dans sa demande d’appel.
La Cour de cassation lui donne entièrement raison, sur deux plans :
- Sur le fond : Elle rappelle que l’insuffisance professionnelle ne peut justifier un licenciement que si l’employeur a d’abord respecté son devoir de formation et d’adaptation. Il ne suffit pas de constater des manquements : encore faut-il prouver que le salarié a eu les moyens de réussir dans ses fonctions.
- Sur la procédure : Elle souligne que, en appel, lorsqu’une partie demande la confirmation d’un jugement, elle est réputée s’approprier les motifs de première instance. Dès lors, la cour d’appel était tenue d’y répondre explicitement. En ne le faisant pas, elle a commis une erreur de droit.
L’affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel pour être rejugée.
Ce que dit le droit : l’obligation d’adaptation de l’employeur
Dans le droit français, l’insuffisance professionnelle n’est pas une faute. Elle ne relève pas du disciplinaire, sauf en cas de mauvaise volonté délibérée ou de comportement fautif avéré.
Elle correspond, le plus souvent, à l’incapacité du salarié à accomplir ses tâches, malgré sa bonne foi : qualité de travail insuffisante, résultats en deçà des objectifs, erreurs récurrentes, ou encore échecs à des formations obligatoires. Elle peut concerner aussi bien des employés que des cadres ou des techniciens.
Mais pour qu’un licenciement fondé sur l’insuffisance professionnelle soit jugé légal, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Il doit reposer sur des éléments objectifs, précis, vérifiables.
- L’employeur doit avoir tenté d’y remédier par des formations, un tutorat, un plan d’accompagnement, ou un aménagement du poste.
- Les juges doivent pouvoir constater que le salarié a eu une réelle opportunité de progresser ou de se remettre à niveau.
En l’absence de ces mesures, même si les griefs sont établis, le licenciement peut être considéré comme abusif.
Des conséquences concrètes pour les employeurs
Cet arrêt rappelle aux employeurs qu’un licenciement pour insuffisance professionnelle ne peut être improvisé. Il doit être préparé, justifié et documenté, dans le respect des obligations prévues par le Code du travail.
Cela implique notamment :
- De mettre en place des entretiens réguliers pour faire le point sur les difficultés rencontrées ;
- D’identifier les besoins de formation et de proposer des solutions adaptées ;
- De garder des traces écrites (courriels, rapports d’évaluation, convocations à des formations…) prouvant que des mesures ont été prises.

Les ressources humaines jouent ici un rôle central : elles doivent être vigilantes sur la procédure, tout en veillant à protéger les droits du salarié et à limiter les risques contentieux pour l’entreprise.
Des enjeux procéduraux à ne pas négliger en appel
Autre enseignement majeur de l’arrêt du 9 juillet : le formalisme de la procédure d’appel. En effet, lorsque l’une des parties (en l’occurrence ici, le salarié) demande à la cour d’appel de confirmer le jugement de première instance, cela signifie qu’elle en adopte les motifs.
Dès lors, la cour d’appel doit obligatoirement répondre à ces arguments. En cas d’omission, sa décision peut être censurée par la Cour de cassation pour défaut de réponse à conclusions (article 954 du Code de procédure civile).
Une décision qui s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle constante
Depuis plusieurs années, la Cour de cassation durcit son interprétation des obligations d’accompagnement professionnel. L’accent est mis sur la responsabilité de l’employeur dans le développement des compétences de ses salariés. Cela s’inscrit aussi dans le cadre plus large de la gestion des carrières, de la prévention de l’usure professionnelle et du respect de la qualité de vie au travail.
Conclusion : le devoir d’adaptation avant le droit de sanction
La leçon est claire : l’insuffisance professionnelle ne peut être un prétexte à un licenciement précipité. Avant toute rupture du contrat de travail, l’entreprise doit accompagner, former et soutenir ses collaborateurs. À défaut, elle s’expose à une condamnation prud’homale, voire à une censure de la Cour de cassation.
Ce nouvel arrêt ne fait que confirmer une exigence essentielle : dans le monde du travail, l’obligation de moyens précède le pouvoir de sanction.