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Réduction du rôle des Régions dans l’apprentissage : une proposition controversée de l’IGAS

La réforme de l’apprentissage en France, amorcée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, continue de susciter des débats intenses. Le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), consacré à la régulation du financement des CFA (centres de formation d’apprentis), propose une nouvelle réduction des responsabilités des Régions en matière d’apprentissage.

Cette mesure, qui s’inscrit dans une tentative de simplification administrative, suscite des critiques quant à ses conséquences sur le rôle des collectivités régionales et leur capacité à contribuer au développement économique des territoires.

Le contexte : une réforme aux effets complexes

Depuis 1985, les Régions jouent un rôle clé dans l’apprentissage, notamment à travers le financement et le soutien des CFA. Cependant, la réforme portée par la loi Pénicaud en 2018 a modifié cet équilibre. Si elle visait à simplifier le système, elle a en réalité introduit une multiplication des niveaux de prise en charge et des mécanismes financiers complexes. Pour l’année 2023, ce système comprenait pas moins de 57 587 niveaux de prise en charge, rendant la gestion particulièrement coûteuse et difficile à réguler.

Le rapport de l’IGAS s’inscrit dans une volonté de répondre à ces dysfonctionnements, en proposant des ajustements qui remettent en question l’implication des Régions dans ce domaine.

Les propositions du rapport IGAS

Le rapport formule une recommandation phare : transférer l’enveloppe d’investissement des Régions aux Opco (opérateurs de compétences) tout en limitant leur rôle au soutien au fonctionnement des CFA, dans une logique d’aménagement territorial. Cette proposition s’accompagne de la création d’une conférence régionale de coordination des financements, réunissant les Opco et les conseils régionaux pour organiser le financement de l’apprentissage.

L’objectif affiché est d’optimiser la gestion des ressources en concentrant les investissements sur les besoins identifiés par les Opco, notamment en réponse aux métiers en tension et à l’émergence de nouvelles filières économiques.

Un recul progressif du rôle des Régions

Ce n’est pas la première fois que les Régions voient leur rôle réduit en matière d’apprentissage. La réforme de 2018 leur avait déjà retiré une grande partie de leurs compétences, malgré leurs protestations. Elles avaient néanmoins conservé une dotation pour financer les investissements, ainsi qu’un rôle dans l’équilibre territorial.

Cependant, ce rôle résiduel s’est vu progressivement affaibli :

  1. Dotations insuffisantes :
    Les financements accordés par l’État aux Régions pour soutenir l’apprentissage ont été jugés insuffisants. Des critiques avaient déjà été formulées à ce sujet, notamment par l’Assemblée nationale et les associations de Régions.
  2. Réduction des budgets en 2024 :
    Dans le cadre des mesures d’économie budgétaire, l’État a réduit de manière uniforme les dotations aux Régions, accentuant encore davantage les inégalités entre territoires.
  3. Écarts de financement territoriaux :
    Le rapport de l’IGAS reconnaît que les écarts de financement entre les Régions reflètent les engagements historiques pris avant la réforme, sur la base des données de la période 2016-2018.

Les Opco au cœur du financement des CFA

Selon l’IGAS, confier une enveloppe d’investissement élargie aux Opco permettrait de mieux aligner les financements sur les besoins économiques réels. En se concentrant sur les métiers en tension et les filières émergentes, les Opco pourraient répondre de manière plus agile et précise aux défis du marché du travail.

Cette proposition s’inscrit dans une vision centralisée, où les décisions sont orientées par des organismes nationaux plutôt que par les collectivités territoriales.

Les critiques des Régions

Les conseils régionaux dénoncent une nouvelle entorse à leurs compétences, en contradiction avec les principes des lois de décentralisation. Ces lois avaient précisément pour ambition de donner aux Régions un rôle majeur dans le développement économique et la gestion des politiques d’apprentissage.

Les critiques portent sur plusieurs points :

  • Perte d’autonomie :
    En leur retirant le pouvoir d’investir dans les CFA, les Régions perdent un levier essentiel pour adapter l’offre de formation aux spécificités locales.
  • Approche uniformisée :
    Les décisions prises à l’échelle nationale, ou par des organismes tels que les Opco, risquent de négliger les besoins spécifiques de certains territoires.
  • Manque de consultation :
    Plusieurs rapports précédents avaient déjà souligné l’absence de concertation entre l’État et les Régions sur ces questions.

Les enjeux économiques et sociaux

Le débat autour de cette réforme dépasse les considérations administratives. Il soulève des enjeux fondamentaux pour l’avenir de l’apprentissage en France :

  1. Réduire les inégalités territoriales :
    Alors que certaines régions souffrent de déséquilibres économiques structurels, le rôle des conseils régionaux est crucial pour maintenir une offre de formation adaptée et accessible.
  2. Renforcer l’attractivité des métiers en tension :
    Les secteurs confrontés à une pénurie de main-d’œuvre nécessitent des investissements ciblés pour attirer et former de nouveaux talents.
  3. Garantir une gestion durable des ressources :
    La multiplication des niveaux de prise en charge a montré les limites d’un système centralisé et peu flexible.

Quel avenir pour l’apprentissage en France ?

La proposition de l’IGAS reflète une tendance récurrente à recentraliser les compétences en matière de formation professionnelle. Si cette approche peut sembler pertinente pour harmoniser les pratiques et améliorer la gestion financière, elle risque d’affaiblir les capacités d’adaptation des territoires face à leurs spécificités locales.

Les Régions, fortes de leur expertise et de leur proximité avec le tissu économique local, jouent un rôle indispensable dans la structuration de l’apprentissage. Les priver d’une partie de leurs responsabilités pourrait :

  • Accroître les inégalités entre territoires.
  • Affaiblir le lien entre formation et développement économique régional.
  • Limiter l’innovation dans les politiques d’apprentissage.

Conclusion : une réforme à repenser

Le rapport de l’IGAS relance un débat crucial sur la gouvernance de l’apprentissage en France. S’il est indispensable de simplifier le système et d’assurer une meilleure régulation des financements, cette démarche ne doit pas se faire au détriment des Régions, qui restent des acteurs essentiels pour répondre aux besoins des territoires.

Plutôt que de centraliser davantage, une solution pourrait résider dans un partenariat renforcé entre l’État, les Opco et les Régions, en favorisant une concertation plus étroite et une répartition équilibrée des compétences.

L’avenir de l’apprentissage repose sur la capacité des acteurs à conjuguer leurs forces pour offrir aux jeunes et aux entreprises des solutions adaptées, innovantes et équitables.

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