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La loi “Avenir professionnel” : un système “complètement adéquationniste” selon l’Unsa

La loi “Avenir professionnel”, promulguée en 2018, a profondément transformé le paysage de la formation professionnelle en France. Pourtant, plusieurs acteurs, dont l’Unsa, dénoncent une orientation problématique vers une logique purement “adéquationniste”, c’est-à-dire une formation calibrée exclusivement pour répondre aux besoins immédiats des entreprises, au détriment des aspirations individuelles des salariés. Vanessa Jéréb, secrétaire générale de l’Unsa, a exprimé ces critiques lors de l’Université d’hiver de la formation professionnelle, pointant du doigt les dérives d’un système qui, selon elle, sacrifie la liberté de choix au profit des impératifs économiques.

L’adéquationnisme : une réponse aux métiers en tension, mais à quel prix ?

L’un des principaux objectifs affichés de la loi “Avenir professionnel” était de mieux répondre aux besoins en compétences des secteurs en tension. Pour ce faire, les financements de la formation ont été recentrés sur les métiers prioritaires, souvent ceux qui peinent à recruter. Si cette approche semble pragmatique, elle pose selon l’Unsa un problème de fond : la formation devient un simple outil de gestion des ressources humaines, plutôt qu’un levier d’émancipation professionnelle.

Vanessa Jéréb déplore ainsi une vision utilitariste : “On arrive à un système complètement adéquationniste. La formation n’est plus pensée pour permettre aux individus de construire leur parcours, mais pour combler les trous dans la main-d’œuvre.” Cette logique, bien qu’efficace à court terme pour les entreprises, risque de négliger les transitions professionnelles longues et les reconversions choisies.

Le CPF : un outil détourné au profit des employeurs ?

L’un des changements majeurs introduits par la loi concerne le Compte Personnel de Formation (CPF). Initialement conçu comme un dispositif permettant aux salariés de financer leurs projets de formation de manière autonome, il a progressivement été réorienté vers une logique pilotée par les employeurs.

“Le CPF, qui était à la main des individus, devient un outil à la main des ressources humaines et donc des employeurs”, regrette Vanessa Jéréb. En effet, la généralisation des abondements employeurs (financements complémentaires) renforce l’influence des entreprises sur les choix de formation. Si cette mesure vise à inciter les employeurs à investir davantage dans les compétences de leurs salariés, elle soulève une inquiétude majeure : la subordination du salarié dans son accès à la formation.

Désormais, un salarié souhaitant utiliser son CPF pour une formation non prioritaire pour son employeur pourrait se heurter à des refus implicites ou à un manque de soutien financier. “On n’est plus dans la liberté de choisir son avenir professionnel”, dénonce la dirigeante syndicale.

La désintermédiation du CPF : un accès facilité, mais des dérives accrues

Autre sujet d’inquiétude pour l’Unsa : la digitalisation à outrance du CPF. Depuis 2019, le compte est accessible via une application mobile, supprimant les intermédiaires (conseillers en évolution professionnelle, OPCO, etc.). Si cette simplification permet théoriquement une plus grande autonomie, elle expose aussi les utilisateurs à des risques de fraudes et de formations peu qualifiantes.

“La désintermédiation totale du CPF pose problème”, souligne Vanessa Jéréb. En effet, sans accompagnement, de nombreux salariés se retrouvent confrontés à des offres de formation trompeuses ou peu adaptées à leurs besoins réels. Les dérives observées ces dernières années (arnaques, surfacturations, formations bidons) montrent les limites d’un système trop libéralisé.

Quelles alternatives pour un système plus équilibré ?

Face à ces critiques, l’Unsa ne rejette pas en bloc la logique d’adéquation entre formation et besoins économiques, mais plaide pour un rééquilibrage entre les impératifs des entreprises et les projets individuels.

Parmi les pistes évoquées :

  • Renforcer l’accompagnement des salariés via les conseillers en évolution professionnelle (CEP), pour éviter les choix guidés uniquement par les employeurs.
  • Mieux réguler le marché de la formation, en luttant contre les organismes peu scrupuleux et en garantissant la qualité des certifications.
  • Maintenir des financements publics pour les formations longues ou de reconversion, afin de ne pas limiter l’accès à l’éducation professionnelle aux seuls métiers en tension.

Conclusion : un nécessaire débat sur l’avenir de la formation

La loi “Avenir professionnel” a indéniablement modernisé le système de formation français, mais elle a aussi accentué une logique économique qui pourrait, à terme, desservir les salariés. Pour l’Unsa, il est urgent de rouvrir le débat pour trouver un équilibre entre les besoins des entreprises et les aspirations des travailleurs.

“La formation ne doit pas être qu’un outil de rentabilité immédiate. Elle doit aussi permettre à chacun de se réaliser professionnellement”, conclut Vanessa Jéréb. Un rappel essentiel dans un contexte où les mutations du travail (IA, transitions écologiques, etc.) rendent plus que jamais nécessaire une formation choisie, et non subie.

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